Rouler après 70 ans, est-ce bien raisonnable ?

Daniel Jacob instructeur fédéral, c’est penché sur le créneau favorable à la pratique du vélo.
 
« De l’âge de raison à l’âge de la déraison » osent dire certains. Dans la pratique, ces limites se permettent une grande liberté.

D’un côté, avec la vulgarisation de la draisienne, de plus en plus de bambins pratiquent le deux-roues dès la crèche et pédalent de manière autonome dès 3 ans.

De l’autre, quelques centenaires nous surprennent en bouclant plus de 25 km en une heure ! Mais est-ce bien raisonnable ?

                                                              Il n’y a pas d’âge pour bouger

Nous ne le répéterons jamais assez, l’activité physique quotidienne est un des piliers de notre bonne santé. Et cela quel que soit l’âge.

  Pour l’enfant, c’est le principal levier pour assurer son développement (à la fois physique et intellectuel).

Pour le senior, l’activité physique permettra de maintenir ce capital santé à son meilleur niveau et de retarder la dépendance.

De toute façon, dès 40 ans la courbe s’infléchit. Nos qualités physiques déclinent. Elles prennent un coup de vieux, mais pas de manière linéaire.

C’est plutôt à l’image de la parabole inversée.


Dans un premier temps, entre 25 et 40 ans, nous ne nous en apercevons pas, ou si peu ; mais la pente est inéluctable. 

Pour ralentir le processus et adoucir la pente nous sommes condamnés à bouger et à soigner notre hygiène de vie.

Et ce, malgré les freins de toutes sortes : ce temps qui nous manque, la sollicitation des écrans qui nous 

sédentarisent, quelques douleurs, de ci de là, et l’incitation à la paresse !

                                                      Bouger, oui mais ne pas faire n’importe quoi !

Cependant, il ne s’agit pas de se lancer dans une pratique irrationnelle. Sur la base des sollicitations quotidiennes (jardinage, bricolages de toutes sortes, marche et montée d’escaliers (plutôt que l’ascenseur ou l’escalator), il convient de choisir des activités physiques adaptées aux besoins. Deux critères essentiels :

  • dépenses énergétiques optimisées ;
  • sollicitations musculaires de qualité.

On pense, bien sûr aux activités énergétiques dites d’endurance, telles la marche active, la course à pied, le vélo. Mais, pour le niveau de la sollicitation musculo-tendineuse, nous sommes quelque peu frileux. Et pourtant, les enjeux sont de taille. Il nous faut faire un petit détour du côté des récents travaux en physiologie. Notre corps, lors d’un effort de haute intensité, adopte la logique d’une entreprise en situation de crise, il lui faut, en quelque sorte, mettre en place « un plan social » : éliminer les cellules moins efficaces, vieillissantes, pour les remplacer par des cellules neuves. Place aux jeunes ! Et lors de ce grand remplacement, l’entraînement en force se révèle nettement plus efficace que celui en endurance. Quel que soit notre âge.

                                                          Chacun aurait l’âge de ses artères

Mais n’y aurait-il pas de risques à proposer à des seniors de plus de 70 ans des sollicitations musculaires de haut niveau ? Nous voyons apparaître deux arguments qui mettraient en avant le bien connu principe de précaution :

  • la relative fragilité biomécanique d’un organisme vieillissant ;
  • les risques cardiovasculaires.

Et c’est là qu’il nous faut à nouveau y regarder de plus près, en faisant appel aux scientifiques. Tout d’abord intéressons-nous à l’impact musculaire. Une sollicitation de haute intensité en course à pied n’est pas sans risque pour notre senior, en raison essentiellement de l’impact excentrique lors de l’amorti, à chaque foulée. Il en va différemment chez le cycliste. Pas d’impact au sol et chaque coup de pédale peut exiger un haut niveau de force sans traumatiser les structures musculo-tendineuses. Un senior peut donc se faire plaisir en s’autorisant quelques sprints à plus de 700 watts, sans risque. Juste le risque de faire le ménage et ainsi permettre aux vieilles cellules d’être « recyclées ».

Mais à être trop généreux dans la puissance développée, la fréquence cardiaque (FC) va probablement monter au-delà du raisonnable ? Pas du tout ! Mais à condition de jouer sur la durée de ces accélérations. Nous avons testé.

Lors d’accélérations de très haute intensité (sprints) la FC ne montait que de 15 à 20 battements (par exemple de 115 à 130). Il suffit de laisser redescendre cette fréquence en dessous de 115 avant une nouvelle secousse et ainsi éviter la dérive cardiaque. Rien à voir, sur le plan cardio, avec la logique du 30/30 (30 secondes d’effort, puis 30 secondes de récupération, du début à la fin). Ce type d’entraînement double la mise, en ce sens qu’il y a double sollicitation ; en quelque sorte du « 2 en 1 » : les filières énergétiques et le système cardiovasculaire du fait de la dérive. Le cœur n’a plus le temps de récupérer avant la sollicitation suivante. C’est bon pour les jeunes à l’approche d’une compétition, mais à éviter pour les seniors soucieux avant tout de leur capital santé.

En effet, à partir de 50 ans nous avons tous des plaques d’athéromes, ces dépôts fibreux dans les parois de nos artères qui peuvent progressivement réduire l’irrigation de certains organes et à terme provoquer une ischémie, c’est-à-dire obstruer l’artère et conduire à l’infarctus de l’organe en aval.

Il nous faut rappeler ici que les facteurs de risque ne se limitent pas à la sédentarité. L’hygiène de vie dans son ensemble participe au bon état de nos artères. Alimentation irrationnelle, tabagisme et consommation excessive d’alcool y ont également toute leur part de responsabilité. Activité physique et qualité de nutrition agissent en quelque sorte en synergie, c’est-à-dire qu’elles se potentialisent l’une l’autre. Autant nous ne pouvons pas agir sur certains facteurs de risques : âge, sexe, hérédité, autant nous pouvons maîtriser les autres paramètres.

Entre l’âge biologique et l’âge de ses artères…

L’écart se creuse entre ceux qui n’y prennent pas garde et ceux qui ont intégré un mode de vie soucieux de leur capital santé. La descente vers la dépendance peut être sensible pour certains dès 30 ans, alors que pour d’autres les capacités physiologiques restent optimales au-delà de 50 ans. Nous ne pouvons donc que souscrire à l’idée que la pratique du vélo est bénéfique de 3 à 103 ans. Et pourquoi pas au-delà ?